14 mai 2020

[Interview] Benjamin Joseph, CEO Learnlight : « Internet, l’industrie pharmaceutique et l’EdTech sont les trois secteurs qui sortiront plus forts de la crise »

  • Série Experts Learnlight
Author: Sabine Ehgoetz

Dans le cadre de notre série d’interviews « Experts Learnlight », nous avons rencontré le cofondateur et CEO de Learnlight Benjamin Joseph pour évoquer les tendances post-COVID 19 sur la formation professionnelle et l’industrie EdTech, et comment la crise va définitivement transformer notre manière de travailler.

Benjamin Joseph, Cofondateur et CEO de Learnlight

Learnlight : La crise a contraint les entreprises à recourir au télétravail. Pensez-vous qu’il y aura un nouveau rapport au travail à distance maintenant que de nombreux salariés y sont habitués ? Ceux-ci vont-ils être moins enclins à accepter des emplois de bureau ?

Benjamin Joseph : Ce sont des questions très intéressantes, que nous nous sommes déjà posées. Learnlight s’est engagé sur la voie du travail à distance il y a de nombreuses années maintenant. Ainsi, même avant la pandémie actuelle, nous étions une organisation fonctionnant à distance. Je pense que la crise va amener une généralisation du travail à distance, mais personnellement, je visualise un modèle légèrement différent.

Il existe aujourd’hui de nombreuses entreprises dans lesquelles les employés se rendent au bureau la plupart des jours de la semaine et sont autorisés à travailler à distance pendant un ou deux jours seulement. Nous arriverons à un modèle inversé où les employés travaillent à domicile la plupart du temps et vont au bureau de manière occasionnelle, pour assister à des réunions en présentiel avec leur équipe ou leur responsable. Cela pourrait également changer la configuration des environnements de travail, avec des bureaux et des salles de réunion plus petits, par opposition aux open spaces où chacun dispose d’un poste de travail dédié.

Learnlight : Comment le travail à distance a-t-il été bénéfique à Learnlight, sachant qu’il avait déjà été mis en œuvre et que les gens y sont habitués ?

Benjamin Joseph : Cela a fait une grande différence parce qu’en ces temps difficiles, nous avons pu nous concentrer plus ou moins exclusivement sur les besoins et les défis de nos clients, au lieu de devoir nous focaliser sur la façon dont nous transformons nous-mêmes notre façon de travailler en interne. C’est donc une bonne chose, car nous avions en quelque sorte une longueur d’avance et avons pu consacrer toute notre énergie à soutenir nos clients. Les connaissances et l’expérience acquises ces dernières années pour notre transformation digitale nous ont également permis d’aider et assister nos clients dans ce processus de changement. Nos équipes peuvent apporter une formation et un soutien basés sur notre réelle expérience.

Les connaissances et l’expérience acquises ces dernières années pour notre transformation digitale nous ont permis d’aider nos clients dans ce processus de changement en leur apportant une formation et un soutien basés sur notre réelle expérience.

D’autre part, le travail à distance nous a permis d’attirer et retenir les meilleurs talents, et lorsque vous pouvez rechercher des talents dans le monde entier plutôt que dans une zone géographique limitée, il est évident que le réservoir de talents est beaucoup plus vaste et que la possibilité de trouver des professionnels vraiment étonnants est plus élevée. Nous avons pu ainsi en bénéficier et nous continuerons à le faire.

L’autre aspect intéressant du travail à distance est qu’il apporte une plus grande diversité et des équipes plus diversifiées en termes de responsabilités et de rôles, ce qui signifie que vous pouvez équilibrer la charge de travail. Ainsi, si vous avez tout à coup moins de travail en France et plus de travail en Allemagne, cela ne signifie pas que vous devez laisser partir les gens dans une région et embaucher des gens dans une autre. Au contraire, grâce au télétravail, vous pouvez équilibrer la charge de travail entre les professionnels que vous avez dans votre entreprise, quelle que soit leur localisation géographique, ce qui est très utile dans des situations comme celle que nous vivons en ce moment.

Learnlight : Ces derniers mois, nous avons constaté une demande accrue de formations en soft skills et en leadership, comme l’empathie, la gestion du changement ou la gestion de crise. Comment pensez-vous que les entreprises vont modifier l’orientation des formations en ces temps difficiles, mais aussi au-delà ? Voyez-vous de nouveaux développements ?

Benjamin Joseph : Il est évident qu’il y aura une plus grande demande pour des cours conçus pour aider les gens dans le cadre du travail à distance, et il existe toute une gamme de compétences à apprendre pour travailler efficacement dans cet environnement. C’est donc ce que nous allons voir arriver.

Ensuite, cela va amener un changement non seulement du type de formation demandée, mais aussi dans la manière dont elle est dispensée. Il est évident qu’il y aura un avant et un après cette pandémie pour l’apprentissage en ligne et virtuel. Nous verrons dans le futur une plus grande demande pour des formations virtuelles en classe inversée, qui permettent aux apprenants une formation plus personnalisée et aux entreprises d’en faire bénéficier plus d’employés virtuels, qui peuvent y participer quand et où cela leur convient.

Nous verrons dans le futur une plus grande demande pour des formations virtuelles en classe inversée.

Enfin, avec le travail à distance, vous finissez inévitablement par interagir avec des équipes basées partout dans le monde, avec des cultures très diverses et qui parlent potentiellement des langues différentes. Ce n’est qu’un pas de plus vers la mondialisation et la suppression des barrières géographiques dans le monde professionnel. Cette généralisation du travail à distance va donc également entraîner une augmentation de la demande de formations interculturelles et linguistiques pour s’assurer que ces équipes véritablement internationales puissent travailler ensemble de manière cohérente et efficace.

Learnlight : De nombreuses industries ont été en difficulté au cours de cette pandémie. Quelles sont celles qui sortiront renforcées de cette crise selon vous ? En voyez-vous émerger à long terme ?

Benjamin Joseph : On a beaucoup écrit à ce sujet, et je ne vais pas prétendre être un visionnaire économique. Je pense qu’il y en a des évidentes : l’industrie pharmaceutique par exemple ne sera pas affectée par cette crise. Cela pourrait même lui être bénéfique à moyen terme. Toutes les industries basées sur Internet, comme les FAI et les fournisseurs de solutions en ligne, en bénéficieront également. Nous concernant, il est certain que l’EdTech va connaître une croissance exponentielle car l’enseignement à distance sera désormais beaucoup plus largement accepté, après que de nombreuses personnes aient été forcées de l’essayer et aient constaté son efficacité. Ces trois secteurs – Internet, l’industrie pharmaceutique et l’EdTech – sont les trois qui, à mon avis, sortiront plus forts de la crise.

Internet, l’industrie pharmaceutique et l’EdTech sont les trois secteurs qui sortiront plus forts de la crise.

Cependant, les entreprises qui seront capables de survivre seront celles qui seront capables de se transformer. Ce sont les entreprises capables de changer et de s’adapter aux nouveaux paramètres qui émergeront de cette crise. Ces entreprises peuvent être de n’importe quel secteur. Il peut donc s’agir tout à coup de restaurants qui ont optimisé leur offre en ligne ou de tout autre type d’entreprise qui a été capable de s’adapter et de se transformer aux circonstances changeantes dans lesquelles nous vivons tous.

Learnlight : Y a-t-il des innovations technologiques particulièrement intéressantes que vous attendez dans l’industrie EdTech en 2020, autre que la formation interculturelle que nous avons déjà mentionné ?

Benjamin Joseph : Parmi les nombreuses évolutions que connaît le secteur EdTech, certaines sont stratégiques et d’autres technologiques. Parmi les choses intéressantes en cours, j’observe de plus en plus de technologies grand public adapter leur offre pour être plus efficace dans le domaine de l’apprentissage. C’est le cas d’outils comme Microsoft Teams par exemple, qui a mis le focus sur les réunions virtuelles pendant la crise. Nous allons voir que certaines de ces solutions, qui étaient plus généralistes et pas spécialement dédiées à l’apprentissage au départ, vont bientôt incorporer des fonctionnalités qui en font des concurrents sérieux aux solutions conçues uniquement pour des environnements de classe virtuelle. C’est quelque chose que j’attends de voir.

Nous allons voir davantage de technologies grand public adapter leur offre pour être plus efficace dans le domaine de l’apprentissage.

Nous allons également assister à un apprentissage plus immersif et à un apprentissage basé sur la réalité virtuelle ou la simulation. À mesure que cette technologie deviendra plus accessible, dans des domaines comme la médecine ou les simulateurs de vol, nous verrons que l’apprentissage immersif et les simulations de situations réelles en réalité virtuelle deviendront plus courants et dominants.

Ensuite, nous assisterons probablement à un apprentissage davantage axé sur les données et à une sélection de contenus basée sur l’intelligence artificielle, car plus les gens iront sur Internet, plus les données seront disponibles. Nous connaissons tous la valeur des données, donc je pense qu’il y aura davantage d’expériences d’apprentissage « data driven ». Ce sont des évolutions que j’attends vraiment.

Enfin, plus l’apprentissage se fera en ligne, plus il y aura inévitablement des fonds disponibles pour investir dans les solutions utilisées pour dispenser cet apprentissage. Je pense que nous allons assister à une accélération des investissements dans l’EdTech, peut-être pas immédiatement, mais au cours de l’année prochaine environ, car les dépenses seront plus importantes, ce qui signifie qu’il y aura plus d’argent à investir dans le développement et que les nouvelles technologies seront mises en œuvre plus rapidement.

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Learnlight : Quelles ont été vos plus grandes leçons pendant cette pandémie ? Quel en a été l’impact sur votre propre leadership et vos compétences en tant que dirigeant ?

Benjamin Joseph : Je ne sais pas si j’appellerais cela une leçon, mais une de mes prises de conscience a été la grande importance de l’autodiscipline, et de se dire qu’au bout du compte, votre succès ou votre échec en tant que professionnel dans ces situations ne dépend vraiment que de vous.

Lorsque vous êtes à la maison et que vous devez vous forcer à suivre une routine qui doit être constructive, vous devez vous assurer de prendre la bonne décision, au moment crucial de choisir entre vous asseoir sur le canapé pour regarder un autre épisode de votre série sur Netflix ou retirer réellement de l’étagère ce livre que vous voulez lire depuis trois ans. Vous faites ainsi des choses qui vont vous permettre de de vous développer et vous améliorer en tant que personne et, à long terme, à être plus satisfait.

C’est pourquoi, pendant ce confinement, je me suis concentré sur ce que j’appellerais « l’importance de ces 30 secondes » – ces 30 secondes où vous dites : « Oui, je vais faire du yoga, je vais faire de l’exercice » ou « Non, je ne vais pas aller au réfrigérateur pour prendre un autre en-cas », et vous vous assurez ainsi que, lorsque vous êtes confronté à ce type de décision, vous faites le bon choix pendant ces 30 secondes cruciales. Pour moi, l’autodiscipline est quelque chose sur lequel j’ai travaillé, parce que je pense que c’est vraiment important dans la situation actuelle.

En termes de compétences en leadership, l’empathie et une communication claire, transparente et honnête sont fondamentales.

En termes de compétences en leadership, l’empathie et une communication claire, transparente et honnête sont fondamentales. Je pense qu’être honnête sur les difficultés et les défis actuels, tout en étant optimiste et en ayant une attitude positive sur ce qui peut être réalisé, est le bon équilibre. Et bien sûr, il faut s’assurer de prendre le temps d’entrer en contact avec des personnes qui peuvent avoir des difficultés, de rassurer les gens et de communiquer avec eux de manière proactive sur la manière dont leur avenir professionnel est susceptible d’évoluer. Cela a été un élément fondamental de la manière dont nous avons géré la situation chez Learnlight.

Learnlight : Pour conclure, y a-t-il quelque chose que vous attendez personnellement de faire quand tout cela sera terminé, quelque chose qui vous manque vraiment ?

Benjamin Joseph : Vous savez, la chose la plus évidente est de revoir la famille et les amis que je n’ai pas pu voir pendant tout ce temps, excepté de manière virtuelle. Je suis très impatient de les retrouver – la liste est trop longue pour être détaillée ici, mais je pense à mon père, mes sœurs, et mes amis dont j’ai été séparé.

Et l’autre chose très importante pour moi, c’est la mer. Je suis marin, j’aime naviguer. Donc la prochaine fois que je sentirai l’eau salée sur mes pieds et que je pourrai à nouveau sauter dans les vagues, ce sera sûrement un moment très rafraîchissant.

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