Comment déchiffrer le rapport hiérarchique à travers les cultures ?
Le rapport hiérarchique au sein de l’entreprise est une dimension d’une grande complexité qui demande un bon sens de l’observation et de l’analyse. Car en effet, les façons de souligner l’existence d’un rapport hiérarchique entre deux individus sont multiples et variées et il faut savoir les interpréter correctement.
De la complexité des rapports hiérarchiques en entreprise
« La mesure dans laquelle les individus les moins puissants des entreprises et des autres organismes acceptent le fait que le pouvoir soit distribué de façon inégale » [La distance hiérarchique selon Geert Hofstede]
Les rapports hiérarchiques peuvent s’exprimer de manières très différentes en fonction de l’entreprise, des individus et de la culture.
Par exemple, il y a des entreprises où ce rapport hiérarchique peut s’exprimer par des signes physiques :
- la façon de saluer (en serrant la main ou en faisant la bise par exemple)
- la disposition des places de parking
- la disposition des bureaux
- le dress code etc.
Cependant, en dépit de ces manifestations évidentes du rapport hiérarchique, ce dernier est parfois difficile à déchiffrer lorsqu’il s’exprime de façon plus implicite et nuancée.
C’est Geert Hofstede qui a le premier théorisé le concept de « distance hiérarchique » dans sa théorie des dimensions culturelles. Il la définit comme « la mesure dans laquelle les individus les moins puissants des entreprises et des autres organismes acceptent le fait que le pouvoir soit distribué de façon inégale. »
Il [Geert Hofstede] a ainsi défini qu’il existait des cultures appartenant à un contexte de faible distance hiérarchique et d’autres cultures appartenant à un contexte de forte distance hiérarchique
Il est également le premier à avoir introduit la dimension culturelle pour expliquer les différences d’acceptation de la distance hiérarchique. Il a ainsi défini qu’il existait des cultures appartenant à un contexte de faible distance hiérarchique et d’autres cultures appartenant à un contexte de forte distance hiérarchique.
Par exemple la France a un indice de 68/120, le Danemark 18/120, 35/120 pour le Royaume-Uni et pour les Etats-Unis 40/120
La notion de distance hiérarchique par Geert Hofstede
L’étude de Geert Hofstede vise à démontrer l’influence des contextes nationaux dans la relation hiérarchique. Elle a été conduite dans les années 1980 auprès des employés d’IBM partout dans le monde, et a permis d’établir un indice de distance hiérarchique par pays sous forme d’une note allant de zéro (distance hiérarchique nulle) à 120 (distance hiérarchique extrême).
Pour illustrer cette théorie, une entreprise d’un pays à forte distance hiérarchique aura entre autres les caractéristiques suivantes :
- Les employés sont placés sous la responsabilité d’un leader
- Les subalternes attendent qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire
- Les privilèges et les symboles de statuts pour les managers sont assumés
- Les détenteurs de pouvoir jouissent de certains privilèges
- Les inégalités entre les personnes sont prévues et acceptées
- Les différences de salaires sont considérées comme normales
Sur l’échelle de Geert Hofstede, les pays d’Asie par exemple sont majoritairement des pays à forte distance hiérarchique tandis que les pays scandinaves sont des pays à faible distance hiérarchique.

Les limites du système d’Hofstede
Il faut tout de même souligner les limites de la théorie d’Hofstede. Ce modèle commence en effet à dater et manque de nuances dans la mesure où il a été testé sur le milieu de l’entreprise, sur une seule entreprise, et qu’il n’a jamais été actualisé depuis.
Le fait de résumer chaque pays à un score est la porte ouverte à une simplification outrancière de ces sujets
De plus, le système de notation créé l’illusion d’une précision scientifique, ce qui est un danger car le champ interculturel n’est pas une science et présente donc une version stéréotypée et figée des rapports hiérarchiques entre individus selon les cultures.
Car ces scores chiffrés masquent une réalité beaucoup plus complexe comprenant de très nombreux paramètres. Le fait de résumer chaque pays à un score est la porte ouverte à une simplification outrancière de ces sujets.
D’autant plus que si l’on se base sur les scores d’Hofstede pour évaluer les rapports hiérarchiques selon les cultures, on perd dès le début toute objectivité : l’analyse est orientée. Or le but n’est pas de faire coller la réalité à la théorie.
Au contraire, une autre approche serait de partir du réel, autrement dit des situations, des symptômes, des faits avérés, pour déchiffrer la façon dont s’expriment les rapports hiérarchiques au sein d’une entreprise ou d’une organisation.
Ainsi les critères d’Hofstede peuvent servir d’outils dans l’évaluation de la distance hiérarchique sans pour autant en être la finalité.
Le rapport hiérarchique selon les cultures… quelles cultures ?
Il existe en effet certains cas où la culture d’entreprise est très forte et peut prendre le pas sur la culture nationale, tout comme la culture métier
Geert Hofstede avait introduit la notion de culture nationale pour expliquer les différences d’acceptation de la distance hiérarchique. Mais est-ce le seul type de culture à prendre en compte ?
Il existe des exemples d’entreprise dont la distance hiérarchique ne correspond pas à la note nationale attribuée par le système d’Hofstede, comme Google par exemple dont le contexte est très faible alors que les Etats-Unis ont tout de même un indice de 40/100.
Sans doute parce qu’il faut également prendre en compte la culture d’entreprise et la culture business.
Il existe en effet certains cas où la culture d’entreprise est très forte et peut prendre le pas sur la culture nationale, tout comme la culture métier. Sans compter le vécu, les valeurs et les idéologies de chacun à l’échelle individuelle.
La hiérarchie et le bon manager
Il est donc évident que la distance hiérarchique est un enjeu managérial prioritaire. Pour pouvoir évaluer le rapport hiérarchique au sein d’une équipe ou d’un service, on a tendance à se poser la question « En tant que manager, travaille-t-on pour ses subordonnés ou travaillent-ils pour moi ? ».
Mais ce n’est peut-être pas la bonne question. Le rôle d’un bon manager, au lieu de vouloir coller une étiquette sur les rapports hiérarchiques dans son équipe, est sans doute de tenter de déchiffrer la façon dont cette distance hiérarchique évolue entre ses subordonnés et d’adapter son management en fonction de ces observations.
C’est peut-être la meilleure solution pour parvenir à diriger à travers les cultures.